L’organisation vue comme une prison psychique
Le carcan comme prison psychique constitue une des 8 « images (ou métaphores) de l’organisation » de Gareth Morgan.
L’organisation est vue comme un moyen d’influencer le psychisme des individus de façon consciente et aussi inconsciente.
L’individu se vit ici comme « emprisonné » par les idées, les images et les pensées communiquées par son environnement de travail mais aussi social et sociétal. L’apparence (ce qui est donné à voir ou porté à sa connaissance) est différente de la réalité.
Les êtres humains sont prisonniers de leur propre histoire psychique individuelle et collective.
L’expérience de l’adulte comme la reproduction des mécanismes de défense contre l’angoisse dans la petite enfance peut engendrer chez l’individu :
• Un sentiment de persécution, dépression, deuil et culpabilité
• La mise en œuvre de techniques de clivage, de projection, d’introjection, d’idéalisation, de dénégation déterminent nos rapports avec l’extérieur
• La nécessité de gérer son angoisse en adoptant des comportements de défense différents :
– La dépendance en recherchant le chef, celui qui va le rassurer, calmer ses angoisses.
– L’attente du messie, d’une situation qui dissoudra ses angoisses
– L’attaque en utilisant le groupe (ses collaborateurs, ses collègues, sa hiérarchie) pour projeter ses propres peurs sur un ennemi (bouc-émissaire)
– La fuite en se réfugiant dans des activités extraprofessionnelles ou en s’isolant de ce qui le fait souffrir.
Cette dimension devra être prise en compte lors de changement organisationnel dans l’entreprise pour comprendre les éventuelles « résistances » aux changements.
On peut aussi y croiser la manipulation quand l’organisation utilise, tout à fait délibérément, les mécanismes de défense des individus contre ses angoisses pour renforcer l’investissement dans le travail. L’entreprise « prend en charge » alors la souffrance de l’individu à ses propres fins.
Par exemple : l’entreprise va pouvoir « solliciter » l’individu car elle répond, en échange, à ses besoins de sécurité, ce qui assure sa survie.
L’inconscient ne concerne pas seulement les individus mais aussi les organisations.
Kets de Vries et Miller ont mis en évidence les conséquences que peut engendrer la personnalité d’un dirigeant sur le fonctionnement de l’organisation dans son ensemble et sur le climat qu’il y règne. Ils ont pu noter un certain parallélisme entre la pathologie de l’individu, dirigeant de l’entreprise, et la pathologie de l’organisation. Ils ont donc identifié cinq types de syndromes caractérisant le dysfonctionnement des organisations liés aux comportements névrotiques de leurs dirigeants :
1. Paranoïa (défiance, calcul, insécurité) -> Absence de stratégie concertée, désillusion parmi les managers et atmosphère de suspicion chez leurs subordonnés.
2. Manie (perfectionnisme, dogmatisme, logique interne) -> tradition forte et stratégie désuète. Dérèglements bureaucratiques, rigidités et réponses inadaptées.
3. Hystérie (excès d’émotion, inconséquence) -> Stratégies incohérentes entrainent un gaspillage des ressources. Médiocrité du rôle joué par les managers
4. Dépression (sentiment de médiocrité, sclérose) -> Stratégies périmées et sclérose de l’organisation.
5. Schizoïdie (indifférence au présent et au futur). -> Stratégie incohérente ou hésitante. Défaillance du commandement. Climat de suspicion et de méfiance qui entrave la coopération.
Tous les acteurs (dirigeants, managers, salariés) sont pris dans leurs propres histoires personnelles et celles que les collectifs (société, direction de l’entreprise, ligne hiérarchique,…) veulent leur faire jouer.
Pour en savoir plus :
– violence-entreprise-harcelement-souffrance-psychanalyse (Article du psychologue F. Bismuth)
– « L’entreprise névrosée » de Kets de Vries (article)