Les représentations qu’ont les individus de la réalité dans l’entreprise vont influer sur leurs comportements. Lorsque l’entreprise modifie son organisation, ses moyens de se coordonner, ses objectifs …, certains individus peuvent être déstabilisés et “résister au changement” proposé.
Nous allons définir ce que l’on entend ici par “représentation” puis les conséquences lorsque la réalité de l’entreprise change.
Qu’entend-on ici par représentation ?
Pour appréhender son environnement, l’individu met en place des mécanismes de « simplification » pour l’aider à trier et au final à agir. Ils sont influencés par les histoires de l’individu. Celui-ci est immergé depuis l’enfance dans des contextes sociaux multiples (une famille, une école, des médias) qui contribuent à façonner sa façon de voir le monde.
L’influence des moyens d’information et de communication permet à l’individu d’intégrer, de structurer, d’interpréter les situations et les événements de son vécu.
L’individu appartient à des groupes sociaux, échange et communique. La réalité à laquelle il est confronté n’est donc pas la réalité, mais une réalité « re-construite » : une représentation de la réalité. On pourra se référer au livre : Peter L Berger et Thomas Luckmann, La construction sociale de la réalité (voir la fiche de lecture CNAM).

Chaque groupe a ses propres valeurs, normes, idéologies et expériences pratiques. Les représentations sociales peuvent donc être définies comme des « systèmes d’opinions, de connaissances et de croyances » propres à une culture, une catégorie ou un groupe social, dépendant de l’Histoire et d’un contexte idéologique et relatif à des objets de l’environnement social. Cet ensemble est organisé, partagé, collectivement produit et socialement utile.

Provient du livre : Canard! Lapin! de Amy Krouse Rosenthal et Tom Lichtenheld
Le psychologue américain Joseph Jastrow a repris et commenté cette image en 1900 dans Fact and Fable in Psychology (fig. 19) pour illustrer l’importance de la préconception dans la perception des images ambigües.
Le philosophe Ludwig Wittgenstein a montré dans ses Investigations philosophiques l’importance des associations dans la perception de ce motif.
Pour résumer : La représentation est une synthèse cognitive dotée des qualités de globalité, de cohérence, de constance, de stabilité. (Définition d’Edgar MORIN).
Attention : Ceci ne présage pas qu’elle est vraie ou fausse !
Nous construisons dans notre esprit une « image » à partir d’éléments qui viennent de la réalité, des perceptions, mais aussi des schèmes d’intelligibilité (lorsque nous lisons, quelques lettres de chaque mot peuvent suffire, car notre mémoire reconstitue les mots complets) et de nos fantasmes, nos histoires personnelles qui font que l’on privilégie certaines perceptions et que l’on laisse les autres de côté. Ensuite, toutes les représentations sont projetées sur la réalité comme si c’était la réalité alors qu’on l’a construite en nous.
Pour bien comprendre la représentation, prenons 2 cas extrêmes :
1. Le fantasme est le plus important : Par exemple, vous êtes dans le désert et vous avez tellement soif que vous voyez une oasis. Votre désir de voir l’oasis est alors si grand que vous voyez l’oasis. Désir > Perception
2. Le test de la tache d’encre (test de Rorschach) : Par exemple : On demande à une personne de dire ce qu’elle voit dans la tache d’encre (oiseaux, papillon, objets, personnage, …). Ses réponses sont en fait des projections qui sont en elle. Perception > Désir.
Pour d’autres personnes, les réponses peuvent être : la tache d’encre est une tache d’encre ! Elles ne peuvent quitter la perception.

La représentation est au centre. Elle fait le lien entre le présent (perception) et le passé (fantasmes, histoires). Les représentations pouvant apparaitre lors des moments de veille et de songe.
Pourquoi le sujet de la représentation est si important dans l’accompagnement des entreprises ?
Dans un contexte de management ou d’accompagnement en général, il est important d’être vigilant sur nos propres représentations (nos filtres, nos projections) ainsi que celles de nos collaborateurs, nos managers, nos clients vis-à-vis de nous, entre eux …
Comme nous venons de le voir, nous, en tant qu’individu, vous avons chacun une représentation de la réalité. Cette réalité, c’est celle que nous “voyons” au sein de notre environnement social, que ce soit dans notre vie privée ou professionnelle.
Quand notre environnement professionnel change, la réalité à partir de laquelle l’individu s’était construit change aussi. L’individu doit alors déconstruire son “ancienne” réalité au profit d’une “nouvelle” réalité.
La représentation sera donc particulièrement difficile à (faire) changer. C’est une difficulté majeure lors de l’accompagnement au changement. Si les représentations “anciennes” sont éloignées des nouvelles “représentations”, l’individu aura besoin de temps pour faire siennes les nouvelles représentations. On dira alors qu’il « résiste aux changements ».
Que faire pour réduire cette “résistance au changement ? Ce sujet fera l’objet d’un prochain article.
En attendant, je vous apporte un élément de réponse : Et si l’individu était co-auteur des changements à venir ?
En effet, lors de l’élaboration des changements de réalité, il s’appropriera progressivement SA réalité. L’article de Gilles le Cardinal (COSTECH-UTC) : Construire ensemble des représentations pour l’action et des représentations issues de l’action vous éclairera sur la façon d’accompagner le changement. En effet, pour lui, il convient de se poser plusieurs questions suivantes :
– A-t-on imposé le changement ou l’a-t-on construit ensemble après en avoir expliqué
les raisons ?
– A-t-on confronté et complexifié ses représentations du monde ?
– A-t-on construit une représentation commune comme fondement de la participation
coopérative de chacun au changement ?
– A-t-on donné, en connaissance de cause, une juste place à chacun ?
– A-t-on suivi et évalué le changement sur un tableau de bord élaboré en commun ?
Et vous, avez-vous eu l’occasion d’accompagner un changement dans votre entreprise ? Si oui, avez-vous abordé les questions proposées ? Diriez-vous que le changement que vous avez accompagné a été un succès ?
Bien que les représentations soient déterminantes dans la gestion du changement organisationnel, Véronique Perret montre dans son article sur La gestion du changement organisationnel : Articulation de représentations ambivalentes la nécessité de ne pas concevoir le changement comme un processus homogène, séquentiel et linéaire sans tenir compte de ses aspects contradictoires.
Et vous, quelles représentations avez-vous de votre entreprise ?
Et vous, quelle représentation avez-vous de votre travail, de votre entreprise, de vos managers, … ?
Différentes représentations (ou images) de l’entreprise (l’organisation, au sens de la sociologie) ont été élaborées par Gareth Morgan. Des articles reprenant les différentes images sont disponibles à partir de l’article sur les représentations de l’organisation pour l’individu.